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Virginie Groleau
Paris, France - Française

Témoignages
Mais qui s'intéresse à Nairobi ?

Capitale de l’Afrique de l’Est mais avant tout du Kenya, Nairobi, on y passe, on n’y reste jamais. Pourtant. A force d’y traîner mes tongs, je me suis attachée à cette non-ville.

Pas de centre-ville, des bouts de forêt éparpillés, des slum (comprendre bidonvilles) sans fin, des rues sans charme, des buildings sans architecture. L’incohérence incarnée.

Et puis, l’insécurité. Barbelés en haut des murs qui entourent chaque résidence, des barrages partout avec de grosses dents en métal destinées non pas à crever les pneus mais carrément à les déchiqueter tellement elles son énormes, les bagnoles verrouillées aux vitres tatouées (même les rétroviseurs), fenêtres fermées des fois qu’on pourrait passer la main et atteindre le loquet, ouvrir la porte et tout braquer.

Et puis les embouteillages. Des heures pour faire trois kilomètres, totalement lobotomisée par une chaleur humide, tropicale, polluée. Ça pue, c’est moche. Personne ne s’arrête aux feux rouges, on fait l’entonnoir aux carrefours, serrés comme des haricots dans un conteneur. Les Matatus klaxonnent, foncent, dégueulent de passagers, passent sur les trottoirs, manquent d’écraser un passant à la seconde. Entre les files de voitures passent les marchands ambulants. On trouve tout. Le journal bien sûr, mais aussi des câbles pour recharger les batteries, des tabliers de cuisine, des noix de cajou, des cartes téléphoniques….
Mais on fini toujours par arriver (sauf quand il a trop plu).

Et puis des gens qui marchent. Partout. Longtemps. Businessmen, va-nu-pieds, écoliers en uniformes, femmes jeunes ou vieilles, avec leurs bébés dans le dos. Toutes enroulées dans leur Kangas fleuris et colorés. Fières. Droites. Nobles. La foule partout et toujours qui marche, avance….. Matatu trop cher, marcher 3 heures pour aller travailler, 3 heures pour revenir. Pas le choix.

Alors je me demande ce que je fais là. Si loin de chez moi. Et je regarde.

Et je vois un peuple fier et courageux.

Et je vois des coins de paradis, des Eden survivants.

Les champs de course où les Kenyans se retrouvent le dimanche pour jouer, les familles déambulantes et souriantes, on mange, on boit des sodas, la grande kermesse. Tous debout dans les tribunes acclament les chevaux lancés au grand galop.

L’espoir dans les yeux de tous après l’élection d’Obama. Le Kenya fait enfin partie du monde, démocrate de surcroît. Un an après l’horreur (évènements janvier 2008), la résurrection.

Peter le jardinier, son sourire franc et sincère, les mains cajoleuses lorsqu’il s’occupe de ses orchidées.

Biashara Street et ses petites boutiques à trésors. Les Indiens y vendent TOUT. On y fouine aux côtés des Massaï venu s’achalander en perles qu’ils tisseront avec inspiration, là-bas, dans leurs maniatas.

Les peintures de Timothee Brook au Northfolk Hotel, bastion et vestige de la grand-mère britannique. Véritable témoignage d’une autre époque, photos à l’appui. Comme cette aventurière montée sur un zèbre sellé et qui regarde l’objectif, le défi au fond des yeux.

Les jardins magnifiques. Les jacarandas entièrement mauves, feuilles et fleurs, au mois de décembre, qui longent les anarchiques artères de la ville offrant au regard une deuxième voûte céleste.

Happy Valley. Le Muthaiga club et ses vieux Kenyans blancs, accoudés au bar acajou vernis, l’ambre de leur whisky se reflète dans leurs yeux délavés par tant de ciel, tant d’espaces vierges. Des vies de bourlingue, à traquer le fauve.

La nuit est tombée depuis longtemps. C’est l’heure du sundowner sur les terrasses fleuries. On se change, on s’habille, on échange les cartes de visite un verre de vin blanc sud-africain à la main. Le temps s’écoule doucement, en toute harmonie.

Mais nous sommes jeudi soir et une autre soirée m’attend.

Le Havanna. Joli petit bar dans une rue glauque, comme la plupart des rues ici où se juxtaposent petits immeubles vétustes et terrains vagues vaguement parkings.
Zelalem est installé derrière le bar, le casque sur l’épaule enfoui dans une Medusa de dreadlocks. Son sourire éclatant l’illumine. La musique est cool…pour le moment, pas trop de monde. On s’y retrouve, venus du monde entier pour boire des bières et des mojitos. Toutes les couleurs de peau se mêlent pour se raconter sa semaine, commenter l’actualité locale. On se rencontre à grands coups de « nice to meet you, what do you do in Nairobi ? ». Bientôt, on ne pourra plus bouger ou presque. La musique monte, groovante, versions musicales dénichées sur internet. Zelalem excelle. On en redemande. Fitsum papillonne d’un groupe à l’autre, attentif à chasser l’ennui de l’endroit.

On y parle beaucoup ONG, mais aussi art. Fitsum prépare une nouvelle exposition, on raconte qu’un Musée d’art contemporain est en projet. Maia von Lekow vient de sortir son premier album (version de Summertime en swahili à écouter vraiment). Mary s’atèle à une nouvelle collection de sacs, Brad a trouvé son avion pour faire le taxi, David veut ouvrir une galerie…

4 heures. Le California. On y danse jusqu’à l’aube. On oublie demain.

Le jour se lève. Taxi. Retour à travers la ville qui se réveille. Des gens partout qui marchent, qui marchent, encombrements, bouchons, klaxons……

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